Procédures collectives : «nous nous attendons à les voir bondir», S. Jonval

Procédures collectives : «nous nous attendons à les voir bondir», S. Jonval

04.06.2020

Gestion d'entreprise

Si pendant le confinement, les ouvertures de procédures collectives ont chuté de 73 %, elles sont largement reparties à la hausse dès la mi-mai et devraient s'accumuler à la rentrée. Le point avec Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et greffier associée du tribunal de commerce de Caen

L’activité des tribunaux de commerce offre un aperçu de la santé des sociétés françaises et démontre que, pour l’instant, le nombre de procédures collectives n’augmente pas. Une situation qui devrait cependant changer au cours des mois à venir.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Les tribunaux de commerce ont-ils pu maintenir une activité pendant la période de confinement ?

Nous avons travaillé de concert avec la Chancellerie et l’ensemble des professions juridiques afin de permettre l’organisation d’audiences à distance, ce qui a été rendu possible grâce à l’ordonnance du 25 mars 2020. Nous avons proposé le recours à l’outil informatique Tixeo, recommandé par la CNIL, à l’ensemble des greffes des TC.

Des audiences à distance ont été organisées à partir du 1er avril pour les dossiers de procédures collectives et de référés. Le Tribunal de commerce de Paris a ainsi tenu 245 audiences de procédures collectives, 90 de contentieux général et 15 audiences de référé.

Les entreprises ont bien adhéré à la dématérialisation des tribunaux et des services de greffe, comme le montre le recours de plus en plus fréquent au Tribunal Digital, la plateforme de saisine en ligne du tribunal de commerce, mais également aux services en ligne d’Infogreffe. Sur l’ensemble du mois de mars, pas moins de 500 saisines en ligne des tribunaux de commerce ont été réalisées, un chiffre record. Quant au numéro vert et au service dédié à la crise lancé par Infogreffe, il a enregistré près de 14 000 appels et 10 500 mails en un mois.

Les ouvertures de procédures collectives ont-elles augmenté pendant le confinement ?

Le fonctionnement des tribunaux de commerce s’est avéré fluide pendant le confinement, mais le nombre de dossiers de procédures collectives a nettement diminué. En France, les 141 tribunaux de commerce traitent en moyenne 50 000 dossiers de procédures collectives par an, soit entre 800 et 1 000 par semaine. Pendant le confinement, les demandes d’ouverture de procédures collectives étaient en moyenne comprises entre 200 et 230 par semaine.

Les mesures d’aides gouvernementales aux entreprises ont donc eu un impact important, en témoigne la chute de 73 % des ouvertures de procédures collectives entre le 16 mars et le 30 avril, par rapport à la même période en 2019.

Assiste-t-on à un « phénomène de rattrapage » depuis la fin du confinement ?

Les ouvertures de procédures collectives ont légèrement repris depuis le 11 mai. Au Tribunal de commerce de Paris, elles ont ainsi augmenté de près d’un tiers dès la première semaine du déconfinement. Toutefois, nous restons sur des niveaux inférieurs de moitié aux seuils habituels.

Pour l’instant, les entreprises retiennent leur souffle et attendent de voir quel sera l’impact de la fin de la crise sanitaire sur leur chiffre d’affaires. Tant que des mesures comme le chômage partiel ou les reports et annulations de charges demeurent, les procédures collectives ne devraient pas s’emballer. En revanche, nous nous attendons à les voir bondir au cours des derniers trimestres de l’année.

Quels seront les secteurs les plus touchés ?

L’hôtellerie, la restauration, le bâtiment et la construction font partie des secteurs les plus exposés. Le bâtiment représente un indicateur pertinent de l’état de l’économie, mais pour l’instant il semble avoir relativement bien résisté.

Outre les procédures collectives, quels types de contentieux émergent dans cette période ?

Quelques affaires dans l’assurance ont été très médiatisées, comme le dossier entre Axa et un restaurateur. Elles sont encore exceptionnelles, mais il faut s’attendre à voir naître de nouveaux contentieux issus du Covid-19. Les contentieux sur les recouvrements devraient également se multiplier après l’été. Le 23 juin marque la fin de la période juridiquement protégée, au cours de laquelle il n’était pas possible de saisir ni de poursuivre pour cause de créances impayées. Les poursuites devraient alors connaître une certaine accélération.

Sous quelle forme se tiennent actuellement les audiences des tribunaux de commerce ?

Les audiences physiques ont repris, à condition de pouvoir les organiser dans le respect des règles de distanciation physique. Lorsque cela n’est pas possible, les audiences en ligne se poursuivent. Au Tribunal de commerce de Caen, nos salles sont suffisamment spacieuses pour permettre la tenue des audiences. Certains, comme celui de Paris, maintiennent les deux modalités : l’audience physique et l’audience dématérialisée.

propos recueillis par Ingrid Labuzan
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